Les psychologues se mobilisent contre « l’ubérisation » de leur profession

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La crise sanitaire a mis en lumière l’importance de la santé mentale. Les psychologues ont rarement été aussi sollicités. Pourtant, leur indépendance et leurs conditions de travail n’ont jamais semblé si menacées. 

« Nous demandons au gouvernement et aux pouvoirs publics d’arrêter de se moquer des psychologues !« , alertent le Syndicat National des Psychologues (SNP), la Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP), la CGT et le Séminaire inter-universitaire européen de recherche en psychopathologie et psychanalyse (Siueerpp), dans leur appel du 10 juin

Psychologues des secteurs publics et privés s’insurgent en effet contre une succession de rapports et de réglementations qui, « sous-couvert de préoccupation humaniste pour la santé mentale, dénigrent chaque fois davantage les psychologues et menacent de plus en plus leurs pratiques ». Entre autres : l’expérimentation du remboursement de dix séances annuelles pour les adultes présentant des troubles de santé mentale d’intensité légère à modérée, l’encadrement des consultations gratuites pour les étudiants et l’instauration d’une gradation des soins qui induit un manque de liberté dans le choix des méthodes thérapeutiques. 

Table des matières

Des « forfaits psys » inadaptés

L’instauration de « forfaits psys » paraissait séduisante en théorie. Elle l’est beaucoup moins dans la pratique. Ce dispositif se calque sur une expérimentation mise en place dans quatre départements depuis 2018 (les Bouches-du-Rhône, la Haute-Garonne, les Landes et le Morbihan). Validé par un rapport de la Cour des comptes, le 16 février 2021, il propose le remboursement des séances à des patients « en souffrance psychique, pour des troubles anxieux ou légers » et devrait être pérennisé rapidement dans l’ensemble du pays. Les psychologues ne dénoncent pas le remboursement des séances en tant que tel – qui permettrait un meilleur accès aux soins – mais le protocole qui les encadre

« Pour qu’un patient puisse avoir accès aux séances, il faut d’abord qu’un docteur généraliste (pas forcément sensibilisé aux questions de santé mentale) lui prescrive une première consultation. Ensuite, le psychologue le rencontre une première fois et le renvoie chez le généraliste qui prescrit alors dix séances de 30 minutes ! S’il souhaite dix séances supplémentaires, il doit retourner chez le généraliste, puis chez un psychiatre », explique Guillaume Lelong, psychologue clinicien et membre du Manifeste des Psychologues (#ManifestePsy). Même cas de figure pour les consultations gratuites proposées aux étudiants dans le cadre de l’épidémie de Covid-19, à la différence que les dix séances initiales ne peuvent pas être renouvelées. 

Les psychologues dénoncent non seulement un parcours du combattant dissuasif et potentiellement violent pour les patients, mais aussi un nombre limité de séances trop courtes, qui empêche de mener à bien un suivi correct : « 30 minutes, c’est trop court ! Un rendez-vous dure généralement entre 45 minutes et 1h30 », souligne Guillaume Lelong. Il regrette aussi des problèmes d’accès aux professionnels et de confidentialité, « dans le cas où un patient consulte son docteur de famille en premier lieu ». 

Hausse des remboursements et dépassements d’honoraires

Les psychologues réclament l’accès libre aux séances, qui devraient être remboursées par la sécurité sociale, à des tarifs « décents ». Ils sont pour la plupart favorables au remboursement de leurs consultations, mais estiment que le tarif de 22 à 32 euros (sans dépassement d’honoraires) proposé par l’Assurance maladie est dérisoire : 

« Si vous déduisez le loyer du cabinet, les outils thérapeutiques et les formations à la charge du psychologue libéral, la somme en net ne permet pas de joindre les deux bouts, explique Guillaume Lelong. C’est un comble, à l’issue d’un diplôme bac + 5 ». Les psys qui feront le choix de multiplier les rendez-vous pour s’en sortir risquent fort de mettre en péril leur propre santé mentale, au détriment de leurs patients. 

Plusieurs autres demandes sont sur la table : 

  • la création massive de postes dans le public, 
  • la mise en place de moyens supplémentaires pour les institutions,
  • une meilleure reconnaissance de la qualification des psychologues et le respect de la diversité des approches
  • et une revalorisation des salaires, à la hauteur des cinq années d’études et des 500 heures de stage nécessaires pour obtenir le titre de psychologue.

Une mise sous tutelle déguisée, qui inquiète les psychologues

Un arrêté pris le 10 mars 2021 cristallise aussi les tensions. Il prévoit notamment que les psychologues « respectent les recommandations de bonnes pratiques professionnelles établies par la haute autorité de santé (HAS) ». Restreignant ainsi le choix de la thérapie la plus adaptée par le professionnel. « Nous exigeons le respect de la loi de 1985, le respect de l’autonomie des psychologues et de la pluralité de leurs méthodes et pratiques […] Nous dénonçons l’intention, manifeste, qui consiste à vouloir contrôler la profession, la mettre sous tutelle, la paramédicaliser », mentionne l’appel du 10 juin. 

Enfin, la proposition de loi nº 4055 (avril 2021) visant à créer un Ordre des psychologues divise la profession. L’objectif affiché est de clarifier et d’encadrer plus précisément l’organisation des différents sous-domaines de la profession. Certains psychologues redoutent d’être placés sous la tutelle des médecins, tandis que d’autres regrettent que la profession n’ait pas été consultée dans le cadre de cette proposition.





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