Pourquoi la prise de température dans les lieux publics est une fausse bonne idée
Prise de température : En France, la stratégie de dépistage du Covid-19 à la sortie du confinement repose sur le fait de tester toute individu présentant des symptômes de l’infection et les cas contacts de son entourage. Pour cela, le gouvernement souhaite réaliser au moins 700 000 tests virologiques par semaine. Et si ce procédé s’accompagnait d’une prise de température de chaque individu avant d’entrer dans un établissement recevant du public ?
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Certains patients sont asymptomatiques
Mauvaise idée selon un avis publié en ligne du Haut Conseil de la Santé Publique (HCSP). Saisi par la Direction générale de la santé, celui-ci devait évaluer la pertinence de la mise en place de contrôle d’accès, par prise de température, selon plusieurs situations.Quelles sont-elles ? les établissements recevant du public en général dont les commerces, les entreprises et administrations, les points d’entrée du territoire (également dans les aéroports), les établissements d’accueil de jeunes enfants ou encore les visites au sein des établissements médico-sociaux, lieux de détention et centres d’accueil et d’hébergement.
Après analyse des données disponibles, notamment épidémiologiques, le HCSP met en garde contre cette mesure car elle estime que ce type de contrôle n’est pas fiable et donc non pertinent. La première raison étant que l’infection à SARS-CoV-2 peut être asymptomatique, et que la fièvre n’est pas toujours présente chez les malades.
Une donnée de santé à caractère privé
Par exemple, la fièvre (température d’au moins 38°C le matin ou de 38,3°C le soir) est souvent absente ou modérée chez les personnes âgées, et chez celles traitées par des corticoïdes au long cours. S’ajoute à cela le fait qu’elle « peut être temporairement abaissée par la prise d’antipyrétiques (paracétamol) », précise le HCSP. L’Agence met également en avant la difficulté de respecter les modalités de prise de température pour un résultat le plus fiable possible : à distance des repas, après un repos allongé de 20 minutes. Par ailleurs, celle-ci estime que la température de référence est la température rectale, toutes les autres méthodes « étant sources d’erreurs et ne pouvant que servir de point d’appel. »
Autre argument en défaveur de cette mesure, le fait que le portage viral peut débuter jusqu’à deux jours avant le début des premiers symptômes. En outre, la prise de température obligatoire pourrait avoir un effet inverse que celui souhaité, en étant associée à un risque accru de diffusion du virus en faisant oublier l’importance des gestes barrière. Même si sur le plan international des pays recourent à cette pratique, le HCSP s’interroge sur son bien-fondé en France où elle peut apparaître comme « fortement intrusive et attentatoire aux droits de circulation dans l’espace public. » Selon son avis, la mesure de la température est en effet « une donnée de santé à caractère personnel protégée à accès limité. »
Prendre soi-même sa température est en revanche recommandé
Enfin, l’Agence estime que cette mesure ne serait pas sans conséquence en ce qui concerne un risque de « stigmatisation potentielle » au sein de la population : refus d’accès, regard des autres, soupçon de dissimulation du risque personnel de contamination, imputation de faute sur la diffusion ou la reprise de l’épidémie… C’est pourquoi, elle conclut sur le fait qu’il serait même nécessaire de l’informer sur le manque de fiabilité de cette mesure pour le repérage de cas potentiels. Le document préconise en revanche de rappeler l’intérêt pour tout le monde de mesurer soi-même sa température devant tout symptôme pouvant faire évoquer un Covid-19 (toux, maux de tête, courbatures…).
Autrement dit, il recommande de « privilégier l’autosurveillance, la déclaration spontanée et la consultation d’un docteur en cas de symptômes évocateurs de Covid-19 », comme ce fut le cas pendant le confinement. Une précaution d’autant plus indispensable avant de se rendre sur son lieu de travail, de rendre visite à un résident dans un EHPAD ou à une individu à risque de forme grave à domicile, de se rendre en milieu de soins ou en milieu carcéral ». Bien que le dé-confinement se profile, l’Agence recommande de toujours insister sur la notion de responsabilité individuelle et sur l’importance du respect des mesures barrière que sont la distance physique, l’hygiène des mains et le port du masque grand public.